Journaliste algérien, Saïd Djerbal, a été mardi interpellé devant le siège de la télé Ennahar dont il est l’un des rédacteurs en chef. Une arrestation filmée par les caméras de sécurité du bâtiment. Ennahar Tv a aussitôt diffusé les images, avec récit et commentaires. Certes, la détention de ce journaliste n’aura duré que deux heures. Mais, voyez-vous, elle résume la situation de la presse au pays de Bouteflika, le président qui n’est plus que l’ombre de luimême. Pourquoi cette arrestation ? Probablement à cause de la publication, la veille, par un site d’infos du groupe Ennahar, d’un article critiquant le patron de la Direction des Services de Sécurité, le général Athmane Tartag, alias Bachir, alias l’homme qui a tellement de pouvoir à Alger que tout le monde évite de prononcer son nom comme c’est le cas pour Voldemort le méchant dans Harry Potter. Saïd Djerbal n’est pourtant pas un opposant ou encore un dangereux militant des droits civiques. Son PDG rappelait hier – attention, accrochez-vous – que son journaliste «glorifie le président de la République dans ses papiers» ! absolument ahurissant. C'est connu qu’en Algérie, la presse est maintenue sous contrôle permanant. D'ailleurs, le pays est placé dans le dernier tiers du classement Reporters sans frontières sur la liberté de la presse. Les pressions sont constantes. L'Algérie figure à la 136e sur 180 du classement mondial de la liberté de la presse 2018 établi par Reporters sans frontières (RSF), selon qui "la liberté de l’information (...) demeure fortement menacée" dans le pays. Un blogueur algérien, Merzoug Touati, a été condamné en mai à 10 ans de prison ferme pour "intelligence avec une puissance étrangère" après avoir publié un entretien avec un diplomate israélien. Il y a aussi l’affaire du journaliste Saïd Chitour, arrêté en juin par la police sur des soupçons d’espionnage. La directrice de publication du journal El Fadjr, hadda hazem, a fait une grève de la faim après s’être vu retirer la publicité publique pour une intervention critique à l’encontre des autorités. Encore très récemment, le propriétaire de l’hôtel El hidhab, Abdelhamid Madani, a été incarcéré le 22 avril 2018 après la publication d’une vidéo appelant les forces de sécurité à respecter les médecins grévistes et à les protéger du pouvoir au lieu de les tabasser. Aujourd’hui, même Ennahar, plus grand groupe médias privé du pays, ne semble guère épargné. Ennahar est pourtant réputé si proche du pouvoir.
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